Interview Bagnard de guerre

Dans le dossier de presse !

Comment avez-vous imaginé cette vraie-fausse suite à
Pinard de guerre ?

Très vite, nous nous sommes aperçus, avec Hervé Richez et Francis
Porcel, que le personnage de Ferdinand Tirancourt, avec sa verve,
son franc-parler et son mystérieux passé, avait un énorme potentiel.
J’ai donc modifié la fin de Pinard de guerre pour nous donner une
opportunité de développer le personnage. Francis en était, si je me
souviens bien, à la moitié des planches de Pinard.


Qu’est-ce qui vous a donné envie d’envoyer Ferdinand
au bagne ?

Ma première intention était de renvoyer Ferdinand dans les
tranchées, mais je ne voulais pas donner l’impression de me répéter
et de refaire une suite un peu fade ou redondante. C’est ce que
je déteste, d’ailleurs, en BD ou au cinéma : être incapable de se
renouveler. J’ai donc eu l’idée d’envoyer Ferdinand au bagne de
Guyane, sur lequel j’avais eu l’occasion de lire quelques ouvrages
ou de voir quelques films, Papillon en tête, bien sûr. D’un côté, nous
prolongions l’aventure, de l’autre, nous changions d’environnement,
de couleurs, de luminosité, même si notre héros, comme dans le
tome 1, est toujours un prisonnier.


Si la fin de Pinard de guerre marquait une forme de
rédemption pour Ferdinand, qu’avez-vous voulu apporter de
plus au personnage avec ce second tome ?

Ferdinand est un personnage que l’on déteste dès les premières
pages de Pinard, puis que l’on se surprend à apprécier. Le
lecteur avait eu un aperçu de l’altruisme de cet embusqué. Ici, nous
allons voir que Ferdinand, même torturé par un gardien sadique,
même harcelé par un prisonnier dont il ignore les motivations, est
entièrement tourné vers les autres. Le bon samaritain… mais marqué
par une faute originelle commise sur le bateau qui l’emmène au
bagne.


Avez-vous imaginé des points de convergences entre
l’enfer des tranchées et le bagne ?

Oui. Ce sont des mondes interlopes dans lesquels évoluent des
personnages aux origines multiples qui, pour la plupart, subissent
les événements et sont incapables d’influer, d’agir sur leur avenir.
Qu’ils soient embourbés dans les tranchées ou accablés par le
soleil de Guyane, ce sont les mêmes prisonniers. Il y a des liens qui
se créent, des inimitiés qui se développent, et un ennemi commun :
la Camarde, c’est-à-dire la mort, qui peut les surprendre à n’importe
quel moment, sous n’importe quelle forme. Ils sont tous en sursis.


Bagnard de guerre reprend les codes du récit d’évasion,
êtes-vous vous-même un amateur du genre ?

Oui, et je pense que cela remonte au film Papillon (1973) de Schaffner
qui passait de temps à autre à la télévision le dimanche soir, à l’époque
où il n’y avait pas de possibilité de revisionner les films à l’infini. Je suis
aussi un fan absolu de L’Évadé d’Alcatraz de Don Siegel avec Clint
Eastwood, de La Grande Évasion (1963) de John Sturges, ou bien sûr
des récits tels que Le Comte de Monte-Cristo. Et même, plus près de
nous, de la série Prison Break.


Entre le danseur classique du premier et le violoncelliste de ce
second opus, est-ce que pour vous cette touche de légèreté
est nécessaire quand on scénarise des récits aussi durs ?

Je vous remercie de l’avoir remarqué ! Mes récits sont souvent très durs,
mais toujours empreints d’un profond humanisme. Je suis aussi sensible
que mes héros dans lesquels je mets pas mal de moi, finalement. Le
violoncelliste David, dans Bagnard, est le prolongement de Sacha,
le danseur des ballets russes, dans Pinard. Ferdinand, avec ses
camarades de tranchées ou ses compagnons d’infortune en Guyane,
est touché par la grâce : celle du jeune appelé qui, ivre, se met à danser
dans le no man’s land sous les balles allemandes et celle du musicien
qui par son talent parvient à faire cesser la violence entre prisonniers.


Ferdinand semble être le témoin « privilégié » de l’horrible
réalité de l’époque, où pouvons-nous l’attendre pour le
prochain tome ?

S’il y a un prochain tome ! Enfin… je ne vais pas vous mentir, car j’ai déjà
réfléchi à une troisième partie dont je vous donne une idée avec un titre
possible : Poncho de guerre ou Mexicain de guerre. Nous sommes en
1917, en Amérique latine, je vous laisse donc réfléchir…